L’Italie, en descendant de la montagne, à cheval entre deux cultures

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Lorsque l’on parle de frontière, on pense à une ligne, certes invisible, mais précise. Plus nous marchons, plus cette représentation nous parait décorrélée de la réalité.
Si l’on devait décrire notre arrivée en Italie, on utiliserait plutôt l’image du dégradé.
L’évolution de nuances démarre au col de Timmelsjoch ou passo Rombo. Premier indice d’un changement : un grand parking et un petit pavillon d’exposition. Celui-ci ne parle pas de limite, mais de lien. Nous sommes au niveau de l’un des rares cols de la région qui n’a jamais été recouverte par un glacier, c’est donc une route commerciale empruntée depuis le Moyen Âge au moins.

Croquis paysage pre Alpes italiennes

Une region à la croisée des cultures

Tout excités par le fait d’entrer dans un nouveau pays, le soir venu, nous nous installons à la terrasse d’une auberge en pensant pouvoir commander un spritz et déguster nos premières spaghettis bolognaise… il va falloir attendre encore un peu. Nous sommes dans le “Haut-Adige” ou “Sud Tyrol”, une province dont les deux noms reflètent bien la double appartenance culturelle.
Au Moyen Âge, après la conquête de l’Italie par Charlemagne, la région a été annexée par le Saint-Empire germanique, elle est ensuite passée sous domination des Habsbourg, et n’est devenue italienne qu’à la fin de la Première Guerre mondiale.

Paysage brume

Elle a subi une politique d’assimilation forcée sous Mussolini, après l’effondrement du régime fasciste elle a été gouvernée pendant près de deux ans par l’Allemagne nazie, puis a été rendue à l’Italie à la fin de la guerre. La région a alors été regroupée avec le Trentin, rendant la population italienne majoritaire.
Ce nouveau statut a contribué à raviver la révolte des germanophones. En 1972, la région acquiert finalement le statut de province autonome, qui sera renforcé et inscrit dans la constitution italienne en 2002.
Si aujourd’hui la situation est apaisée, la spécificité de cette région est bien réelle et revendiquée.

Notre hôte à Levico di terme, une ville située dans le Trentin nous confiera en parlant des Italiens du sud “j’ai plus de choses en commun avec vous ou avec des Européens du nord qu’avec ces gens”.

Croquis chemin de la paix italie

Des montagnes chargées d’histoire

Le paysage que nous traversons est habité par cette double culture, et marqué par les guerres qui ont opposé germanophones et Latins.
La montagne est creusée de galeries, et les chemins sont parsemés de résidus de grenades.
Des traces du passé qui ont un réel impact sur notre expérience de randonneurs. En cette fin d’été, alors que tous les ruisseaux étaient secs, nous avons vu des chamois boire dans les flaques retenues dans ces grottes creusées par des soldats.
Moins charmant, mais bon à savoir, les morceaux de ferraille attirent la foudre, mieux vaut s’éloigner des tranchées lorsqu’un orage approche.

Dolomites Catinaccio

Un paysage en constante évolution 

Passer des Alpes autrichiennes aux Alpes italiennes ce n’est donc pas été pour nous un choc culturel. Il y a par contre dans le paysage deux autres frontières nettement plus palpables.

La première est la ligne de partage des eaux entre la mer du Nord et la mer Adriatique. Sans surprise, le paysage est de plus en plus sec. La montagne qui ruisselait de toute part dans le Vorarlberg et le Tyrol autrichien est loin derrière nous.

La seconde frontière que nous observons est ancrée dans le sol sur plus de 100 km de profondeur. Il s’agit de la ligne insubrienne, séparant la plaque européenne et de la plaque Adriatique, dont le lent rapprochement a entraîné la formation des Alpes.
En franchissant cette limite, nous sommes passés d’un massif formé de roches métamorphiques situé dans les Alpes orientales centrales (Alpes de Sarntal) à des massifs de roches sédimentaires dits préalpins (Dolomites, Alpes de Fiemme et Préalpes Vicentinnes).

Croquis village Trentin Haut Adige

Ces évolutions hydrographiques et géologiques transforment le paysage. Dans les hauteurs, les pâturages sont parsemés de petits arbustes épineux. Les troupeaux de vaches laitières ont laissé place aux chèvres et moutons. Plus bas, les épicéas se mélangent aux pins sylvestres et aux hêtres. Dans les villages, le bois a totalement disparu au profit de la pierre. Dans certains villages, même les tuiles de couverture sont réalisées à partir de grandes plaques de roche calcaire.

Notre lente descente des hautes Alpes orientales à la plaine du Pô se finit à Vérone. Ici, commence un itinéraire plus urbain et culturel qui nous emmènera à Padoue, Venise et Aquilée.

Village trentin italie

Marie Epagneau 

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