En passant la frontière slovène, nous entrons en terrain inconnu. À partir de maintenant, et jusqu’à Istanbul, nous traverserons des pays dans lesquels nous n’avions jamais mis les pieds auparavant, et dont nous savons peu de choses. Un voyage à la découverte de l’Europe de l’Est qui commence en beauté dans ce petit pays situé à l’extrémité est de l’arc alpin.
Des sommets alpins à l’est, aux collines viticoles à l’ouest, nous vous emmenons dans cet article à la découverte d’un petit pays abritant une incroyable diversité de paysages.
Un petit pays qui fait la part belle à la nature
La Slovénie, c’est 2 millions d’habitants, soit la population de Paris intra-muros, sur un territoire qui fait 200 fois la superficie de notre capitale, et qui est couvert à 60 % de forêt. Cette population est pour moitié rurale et répartie de manière relativement homogène sur le territoire.
En regardant une carte du pays, on distingue un axe est-ouest où se trouvent les principales agglomérations : Ljubljana, Celje et Maribor. C’est également autour de ces villes que le relief est le moins prononcé. De part et d’autre de cet axe, on trouve deux zones dont la densité de population est particulièrement faible. Au nord-ouest les Alpes Juliennes, et au sud, les forêts primaires de Kočevsko. Ces deux régions constituent les principaux espaces naturels du pays et abritent une importante biodiversité.
Le gouvernement slovène a très tôt mis un point d’honneur à préserver ces espaces et y développer une activité touristique respectueuse de l’environnement. Cette politique s’appuie sur différents systèmes de classement et de protection des zones naturelles. Ainsi, 37 % du territoire slovène fait partie du réseau Natura 2000, les forêts primaires du sud sont inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO, et le parc national du Triglav protège les hauts sommets des Alpes Juliennes.
Le Alpes Juliennes
C’est dans ce parc que commence notre voyage en Slovénie. Nous y arrivons depuis l’Italie. Sans transition, nous passons des plaines agricoles du Frioul aux grandes forêts de conifères des monts préalpins. Dès les premiers kilomètres, nous sommes frappés à la fois par la beauté de ces montages et par la vie qui y règne. On ne parle pas que de biodiversité, mais aussi de vie humaine. Les villages sont habités et sont entourés de pâturages ; les sentiers sont balisés et empruntés.
Après plusieurs semaines de marche en plaine, les sommets enneigés des Alpes Juliennes nous font de l’œil. Nous décidons donc de faire un petit détour vers le nord. Nous remontons la vallée de la Soča, suivant cette rivière au bleu éclatant jusqu’à sa source, puis grimpons jusqu’à un col avoisinant les 2000 m d’altitude, et redescendons vers le lac de Bled. Un parcours d’une petite semaine que nous vous détaillons l’article “Une semaine en Slovénie”.
Nous sommes au début du mois d’octobre, les premières neiges sont tombées, la majorité des refuges estivaux ont fermé, et les stations de ski n’ont pas encore ouvert leur porte. On pourrait croire que la montagne est à nous, mais c’est en réalité la période idéale pour observer les autres habitants de ces montagnes, ceux qui en constituent la faune.
Parmi eux nous avons eu la chance de croiser des lagopèdes. Également appelé “perdrix des neiges”, cet oiseau ne niche qu’au-dessus de 1800 m d’altitude. Son habitat est menacé par le réchauffement climatique et l’élévation de la limite supérieure des forêts.
Autre habitant de ces montagnes, dont nous avons pu deviner la présence grâce aux traces de pas observées dans la neige : le loup. Contrairement au lagopède, sa population est en expansion et son installation en haute montagne est favorisée par le changement climatique. Lorsque, dans les années 90, on a commencé à surveiller la population de loups et à en réglementer la chasse, ceux-ci n’étaient présents que dans le sud du pays, dans la chaîne des Alpes Dinariques. Il fait aujourd’hui son retour dans cette région alpine dont il avait disparu depuis plus d’un siècle.
En avançant dans les terres…
Après cette escapade montagnarde, nous redescendons jusqu’à Ljubljana et reprenons le cap vers Istanbul. Les forêts de conifères ont laissé place à de vastes hêtraies habitées par quelques imposants mammifères, dont l’ours brun. Ils sont plus de 1000 à vivre dans les forêts slovènes. Ici on l’appelle “medev” ce qui signifie littéralement “voleur de miel”.
Au fur et à mesure que nous progressons vers l’est du pays, les forêts se font plus rares et les terres agricoles gagnent du terrain. Les petits hameaux se succèdent le long de notre chemin. À l’abord de ceux-ci, les pâturages sont parsemés de “kozolec”, petites structures permettant de faire sécher le foin. Les plus simples se composent de poteaux avec des trous à intervalle réguliers permettant d’enfiler des barres transversales en bois. Ces constructions sont de temps à autre agrémentées d’un auvent abritant un tracteur ou un stock de bois. Plus imposants, les “toplar”, sont de véritables granges construites à partir de deux rangées de “kozolec”. Toute une déclinaison de structures qui ponctuent le paysage et témoignent d’une vie rurale dynamique.
La Slovénie est un pays à tradition industrielle qui se réoriente progressivement vers le secteur tertiaire. L’agriculture occupe une place peu importante dans l’économie et c’est peut-être grâce à cela que le pays a su préserver à la fois ses forêts et sa population rurale. Les exploitations agricoles ont été relativement peu collectivisées durant la période communiste. Elles sont en grande majorité restées familiales, avec une taille moyenne de 6,2 ha, contre 42,6 ha en France.
Le long de la Krka, l’activité rurale est essentiellement orientée vers l’élevage. À mesure que nous avançons vers la frontière croate et hongroise, la forêt perd du terrain au profit des exploitations céréalières (maïs et blé) et des vignobles. Notre parcours dans ce pays s’achève dans la vallée de la Drava, sur la route des vins slovènes. Un bel exemple d’initiative du gouvernement pour concilier préservation de l’environnement, activité agricole, et tourisme.
Marie Epagneau