De Dijon à Bâle, le dépaysement à la maison

Date

Ce matin, nous sommes à Dijon et nous partons pour un an de marche. Aucun de nous deux ne sait vraiment ce que cela représente, mais, après le tumulte des préparatifs, ce départ a quelque chose de soulageant. Fini les “to do list” interminables, il n’y a plus qu’à mettre un pas devant l’autre.
Pourquoi partir de Dijon, à vrai dire, nous aurions aimé partir de chez nous, à Paris, mais il a fallu faire un choix. Nous n’étions pas prêts à partir plus tôt, pas prêts non plus à traverser les Alpes en hiver, et hors de question de repousser le départ d’un an!
C’est donc ici que nous commençons. Le choix d’Istanbul comme destination vient aussi d’une réflexion assez rationnelle (on en parle dans l’article Brainstorming) … finalement le vrai coup de tête c’est “un an à pied”, Dijon-Istanbul en est la conséquence.

Clos de Vougeot dessin

Les vignobles de Bourgogne 

Nous commençons donc notre marche dans les vignobles de Bourgogne, pour ces premiers kilomètres nous aurions aimé nous ménager, mais les choses se gâtent rapidement. Le sentier que nous suivons coupe droit dans les combes, parallèle à la pente. Les cailloux roulent sous nos pas, nous maudissons Félix Batier, qui a donné son nom à ce chemin impraticable.
Nous apprendrons plus tard qu’il était président de la Fédération Française d’Alpinisme de la région, et qu’il a créé ce sentier pour entraîner des sportifs aux expéditions dans les Alpes… trop tôt pour nous !

Après quelques jours de marche entre grands crus et coteaux boisés, au niveau des “côtes de nuits”, nous quittons les vignobles pour nous diriger vers l’abbaye de Citeaux. Celle-ci ayant servi de carrière de pierre suite à la révolution, il reste peu de choses des bâtiments d’origines. L’abbaye a pourtant eu une influence importante, c’est un lieu fondateur de l’ordre cistercien, et a son époque la plus faste, un acteur majeur de l’économie locale. Les moines ont notamment participé au développement de l’activité viticole qui est encore aujourd’hui une des richesses de la Côte d’Or.

Salines royales d'Arc et Senan

La forêt de Chaux et les Salines Royales

Rassasiés d’histoire plus que de vin, la marche et le soleil ne nous permettant pas cet écart, nous arrivons à Dôle.
Plutôt que de suivre le Doubs, et l’euro vélo 6, qui nous emmènerait directement à Besançon, nous faisons un détour par les salines d’Arc-et-Senans. Un lieu d’ont l’influence a été nettement plus faible, celles-ci n’ayant été exploitées qu’une centaine d’années, mais dont la conception est révélatrice d’une époque. Le plan est à l’image du soleil, le site est dominé par la maison du directeur, qui avec son œil-de-bœuf, regarde les ouvriers. L’eau salée, appelée saumure, est acheminée par un saumoduc sur plus de 30 km, puis portée à ébullition grâce au bois de la forêt de Chaux qui entoure la saline. La matière première est donc amenée à l’énergie, et non l’inverse, c’est une des raisons qui entraînera la fermeture du site.

Dole croquis

La vallée du Doubs 

Après ce petit détour, nous retrouvons la vallée Doubs, une faille de verdure dans les plaines agricoles de Franche-Comté. Jour après jour, le sentier grimpe sur des petits chemins de crête, descend dans le creux de la vallée puis remonte sur la rive opposée. Entre les arbres, de belles vues se dégagent, et si on est attentifs, on peut apercevoir d’agiles chamois gambader dans la pente.
Un paysage charmant, mais qui régulièrement, en traversant les villages, nous attriste. Les devantures fermées se succèdent, la départementale coupant à travers champ semble plus attractive, ou du moins économiquement rentable, que la route sinueuse suivant le cours d’eau. La voie ferrée et les canaux témoignent d’un passé industriel plus faste, mais qui sait, le développement du cyclotourisme autour de l’euro vélo 6 offrira peut être une nouvelle chance a cette vallée qui ne manque pas d’atouts !

Ballon des Vosges

Le ballon des Vosges et l’église de Ronchamp 

La forêt de chaux et le Doubs nous ont donné un bref aperçu du massif du Jura, nous nous dirigeons maintenant vers le ballon des Vosges. Nous traversons la trouée de Belfort, et après quelques kilomètres de pâturages, le paysage se transforme. Les conifères remplacent les hêtraies, le sol prend une couleur nouvelle, oscillant entre l’ocre et le bordeau. Un changement qui se retrouve sans surprise dans l’architecture. La pierre bicolore caractéristique de Besançon a laissé place à cette pierre rouge ; dans les collines, les clochers se détachent, contrastant avec les forets d’un vert profond.

Croquis forêt Vosges

Avons-nous fait ce détour vers le nord pour le simple plaisir de voir le paysage évoluer ? Pas tout à fait, c’est à nouveau notre goût pour l’architecture qui nous amène ici. Nous sommes à Notre Dame de Ronchamp, une œuvre maîtresse de Le Corbusier, complétée plus récemment par un monastère, conçu par Renzo Piano. Ce second bâtiment s’efface avec élégance devant le premier, tout en s’affirmant dans un style plus contemporain.

Eglise de Ronchamp le Corbusier

L’Alsace,  dernière étape avant la frontière allemande 

Ronchamp était la dernière escale culturelle de notre itinéraire français, mais les quelques kilomètres qui nous séparent de la frontière nous réservent également de belles surprises. Alors que nous retrouvons la plaine, la pierre laisse place aux pans de bois, l’architecture comme l’organisation des villages se transforme. Ces derniers sont moins denses, les maisons, elles, sont plus larges. Habitation et dépendance agricole sont regroupées dans un même volume, implanté perpendiculairement aux routes. Ces bâtisses, avec leurs grands débords de toiture, se succèdent, tel un motif ponctuant notre chemin.

Nous arrivons ainsi à Bâle, ville frontière entre la Suisse, la France et l’Allemagne. C’est là que démarre la seconde grande étape de notre voyage : la vallée du Rhin. Celle-ci nous emmènera jusqu’au lac de Constance, au pied des Alpes.

Marie Epagneau 

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