La Bulgarie, une marche vers le printemps

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Le territoire bulgare est pour un tiers couvert de montagnes. Un pays fait pour les randonneurs pensez-vous ? Nous allons découvrir ici qu’en plein hiver, notre passion pour la montagne oscille de l’amour à la haine.

Le premier massif bulgare que nous parcourons est le Grand Balkan, ou Stara Planina, une chaîne de montagnes qui s’étend d’ouest en est et sépare le pays en deux. Au nord de ces montagnes s’étend la plaine du Danube, berceau historique du pays. Au sud on trouve la plaine de Haute Thrace et les monts Rhodopes, frontaliers avec la Grèce. Parmi ces monts, deux massifs dominent le pays, le Pirin et le Rila. Entre le Grand Balkan et les Rhodopes, dans la plaine de Haute Trace, se trouve Sofia, la capitale, et Plovdiv, la seconde ville où nous nous rendrons. Juste au sud de Sofia, isolé dans la plaine, se dresse un ancien volcan, le mont Vitocha.

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Belogradchik

Nous sommes au pied de la chaîne du Grand Balkan, à son extrémité ouest. Nous marchons sur une petite route à flanc de pente, les montagnes enneigées à notre droite et la plaine à notre gauche. En passant la frontière bulgare, le paysage s’est transformé. Nous sommes arrivés dans une plaine aride, balayée par le vent. La végétation est rase, buissonnante. Nous sommes dans une région en déprise agricole qui se vide peu à peu de ses habitants. Les cultures céréalières sont aujourd’hui laissées aux mains et aux racines des robiniers, prunelliers et autres arbustes épineux.

montagnes bulgarie Belogradchik

Après quelques jours de marche dans ce paysage, nous voyons émerger devant nous les rochers de Belogradchik. La ville, adossée à la montagne, regarde vers la plaine tandis que derrière elle d’étonnantes formations rocheuses se dressent au-dessus de la forêt. Leur couleur orangée se détache dans le paysage hivernal.

Ce site naturel d’exception est également une place stratégique. Les rochers de Belogradchik se situent entre les cols de Sveti Nikola et Cadu Boaz. Entre le Ier et le IIIe siècle, les Romains y ont bâti une forteresse défendant ces passages. Au fil de l’histoire, celle-ci est passée de main en main, chaque occupant y ajoutant de nouveaux aménagements. Elle a été exploitée à des fins défensives jusqu’en 1885, lors de conflits opposant les Bulgares aux Serbes.

Belogradchik

Traversée du Grand Balkan

Nous poursuivons notre route le long du Grand Balkan jusqu’à arriver à la hauteur de Sofia. Il nous faut maintenant traverser la chaîne de montagnes et rejoindre la capitale.

Nous prenons un cap vers le sud et grimpons jusqu’à arriver sur le Kom-Emine, un sentier de crête qui lie Kom, un sommet situé à la frontière serbe, au cap Emine sur la mer Noire. À mesure que nous prenons de la hauteur, le manteau neigeux s’épaissit. La neige nous arrive à mi-mollet, c’est une neige humide et lourde. Elle ralentit notre avancée et vient bientôt à bout de notre énergie. Arrivés sur la crête, le genou de Marie sonne la tirette d’alarme. Si on ne calme pas le rythme, on va droit vers la blessure. Nous décidons de ne pas suivre ce sentier plus longtemps et de redescendre tout de suite sur le flanc sud de la montagne.

Grand balkan croquis

Oui mais avant de redescendre nous admirons la vue, nous avons face à nous le mont Vitocha, à ses pieds, sous la brume on devine Sofia. Quel incroyable paysage pour une capitale !

Vue Vitocha

Sofia

À Sofia nous sommes accueillis par Stanislav. Nous l’avons rencontré dans un petit village de l’autre côté des montagnes il y a deux semaines. Comme de nombreux Bulgares de sa génération, suite au démantèlement du rideau de fer, Stanislav a quitté le pays pour aller étudier et travailler à l’étranger. Il est de retour ici depuis cinq ans, l’attachement à son village natal a eu raison de son rêve américain.

Nous profitons du bon anglais de notre hôte pour l’assaillir de questions sur l’histoire de son pays. Sofia n’est la capitale bulgare que depuis 1879. Comme évoqué au début de cet article, le cœur historique du pays se situe plus au nord, de l’autre côté du Grand Balkan.

Eglise Sofia

Un peu d’histoire

À deux reprises, la Bulgarie a été entièrement conquise puis libérée. Deux fois le pays a disparu des cartes pour renaître avec de nouvelles frontières, un nouveau régime et une capitale nouvelle. 

Le premier état bulgare est créé en 681, son territoire s’étend du Danube à la chaîne du Grand Balkan. Les empereurs successifs vont réaliser des conquêtes, d’abord vers le nord, allant jusqu’à la Hongrie, puis vers le sud, menaçant Athènes et Byzance. À partir de 927 le mouvement s’inverse et les Bulgares perdent des terres au profit des Hongrois, russes et byzantins, jusqu’à passer entièrement sous domination de ces derniers en 972.

Après un siècle et demi de domination byzantine, les Bulgares se soulèvent et reconstruisent leur État. La nouvelle capitale, Tornavo, se situe toujours dans la plaine du Danube. L’Empire bulgare entre à nouveau dans une phase d’expansion, puis, à partir de 1257, il subit des représailles de ses voisins et finit par tomber aux mains des ottomans en 1396.

Architecture Plovdiv

L’occupation ottomane sera longue et violente pour le peuple bulgare. Le culte catholique était interdit et de nombreuses mesures incitant à la conversion à l’islam. (Double impôts, engagement du premier fils de la famille dans des milices de Janissaires, jours de corvée…). Cette répression n’a fait que renforcer les sentiments nationalistes des chrétiens occidentaux comme orientaux.

Durant cinq siècles de domination, les Bulgares tentent à plusieurs reprises de se soulever contre l’occupant. C’est finalement en 1878, avec l’aide des Russes, que la Bulgarie obtient son indépendance. 

Les frontières du nouvel État sont définies par le congrès de Berlin. Les Occidentaux qui redoutent le retour d’un Empire bulgare, puissant et soutenu par le Tsar, plaident pour une division de la principauté bulgare, qui existait sous l’Empire ottoman. Le territoire du pays est réduit de deux tiers, une situation qui aboutira à une série de conflits entre bulgares, turcs, serbes et grecs.

Sofia dessin architecture

Cap sur le mont Moussala

Nous quittons Sofia en prenant la direction sud et longeons le vieux volcan Vitocha en direction du massif du Rila, et plus précisément le mont Moussala, plus haut sommet du pays. Après quelques jours de marche, nous sommes à Borovets, une station de ski située au pied du Moussala. Nous troquons tente, matelas et duvets contre deux paires de raquettes pour poursuivre l’ascension plus légers et mieux équipés. Le temps est dégagé et la vue que nous offre ce sommet est extraordinaire. D’ici nous distinguons chacun des massifs que nous vous avons présentés plus haut. Nous admirons non sans fierté ceux déjà traversés et regardons d’un œil inquiet la neige qui couvre encore l’est des Rhodopes.

Mont moussala

Plovdiv

Nous redescendons des montagnes et suivons la vallée de la Maritsa jusqu’à Plovdiv. Plovdiv fut l’un des hauts lieux du mouvement nationaliste bulgare. Son centre-ville abrite de nombreuses constructions du XIXe siècle illustrant le mouvement culturel et artistique qui accompagne la lutte politique.

Ces maisons bourgeoises occupent l’une des sept collines de la ville. Les étages nobles sont en encorbellement sur la rue, bâtis en pans de bois sur un socle en pierre. À l’intérieur les pièces sont distribuées par un grand salon central appelé hayet. Les encorbellements permettent à toutes les pièces qui entourent ce salon de disposer de fenêtres sur deux à trois orientations. Cette typologie caractéristique de la renaissance bulgare comporte de nombreuses similitudes avec les maisons turques et grecques que nous découvrirons bientôt. Elles témoignent d’un style architectural bulgare tout en illustrant les échanges culturels au sein de l’Empire ottoman.

Plovdiv mosquee

Rhodopes

Après quelques jours de visite à Plovdiv, nous partons cap sur Edirne. Avant de quitter la Bulgarie, nous faisons un dernier passage en montagne, dans les monts Rhodopes. Nous sommes maintenant en mars, mais l’hiver est toujours bien là. La neige est épaisse et les températures négatives. Les sentiers nous jouent des tours, s’interrompant en pleine forêt ou passant des guets bien larges pour les piétons que nous sommes. Pressés de voir arriver le printemps, nous décidons de redescendre vers la plaine. Nous y découvrons un paysage nouveau mêlant champs de céréales, prairies et forêts pâturées. L’influence de la méditerranée se fait enfin sentir sur les températures, toute la topographie de notre parcours est désormais derrière nous, la Turquie n’est plus qu’à quelques pas !

Croquis carnet de voyage

Marie Epagneau 

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