Marcher sur de très longue distance avec des chaussures minimalistes (barefoot) c’est possible ! La preuve après 4500 km en chaussures minimalistes.
Comment j’en suis venu aux minimalistes
Raide comme un bâton, je n’ai jamais éduqué ma souplesse comme beaucoup de « garçon ». Tout au long de mon éducation, la force semblait prévaloir. Cette tare m’a malheureusement rattrapé à mes 20 ans, période où j’ai commencé à demander à mon corps de grands efforts en grande randonnée et à l’escalade. C’est sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle en montée qu’apparaissent mes premières tendinites chroniques des genoux. Je finirais le chemin à grandes goulées d’ibuprofènes.
À partir de ce moment là et pendant 8 ans des tendinites apparaîtront et disparaîtront au gré des efforts.
Grimpant trois fois par semaine et fort d’une bonne capacité physique et d’endurance. J’étais dépité face aux allées et venu des tendinites du genou. Ces tendinites apparaissaient souvent avant que j’atteigne mes limites d’endurance, pourquoi ? Comment elle venait ? J’étais impuissant.
Je rencontre alors mon cousin ostéopathe qui a bouleversé ma vision du problème
Rencontre avec un ostéopathe
Tu veux vraiment aller jusqu’à Istanbul à pied me dit il en manipulant l’arrière de mon crâne ? Je vais te le dire franchement, avec ton corps dans cet état pour le moment c’est impossible, il va t’en empêcher dès les premières semaines. Il va falloir te préparer.
« OK c’est quoi le plan ? »
« Il va falloir travailler sur trois points : ton alimentation, ta souplesse, ta posture »
Dans un hochement de tête quasi instinctif, je ne savais pas dans quoi je mettais les pieds, mais je le faisais pour notre projet, pour pousser les portes de l’orient et rêver d’ailleurs.
Je m’impose alors un programme strict de préparation :
– Éliminer les aliments qui enflamment mon intestin et favorisent l’inflammation de mes tendons
– Faire 20 min de yoga ou d’étirements tous les jours
– Marcher tous les jours au moins 7 km
Au détour du deuxième rendez-vous, mon cousin et moi discutons longuement des chaussures minimalistes. Comme convaincu qu’il y a un truc à tester, je le pousse dans tous ses retranchements sur cette technique de marche. Il me répond, « OK, y a moyen, en théorie ça doit pouvoir marcher pour toi, mais il va falloir que tu muscles les 35 muscles de tes pieds, car pour le moment tu n’as rien, ils ont été comprimés dans des chaussures serrées toute ta vie. » Un passage chez le podologue m’indique la même voie. Qu’à cela ne tienne, je combinerais les chaussures minimalistes à tout le reste et je peux désormais témoigner et expliquer après 4500 km de marche en autonomie que c’est possible et que c’était la solution la plus adaptée à mon corps.
Le minimalisme/Barefoot c’est quoi ?
Barefoot veut littéralement dire : pied nu en anglais. Sorte de mouvement issu d’un livre de Christopher Mc Douglas : born to run.
Christopher Mc Douglas part dans les années à la quête des Indiens Tarahumaras qui tous les ans court plus de 80 km dans des sandales ultras minimalistes. Habitués à courir pour leurs divinités depuis le plus jeune âge, Christopher c’est intéressé à l’adaptation de leur corps à cette forte contrainte, il en a retiré des enseignements de course à pied qui a fait naître le mouvement Barefoot. Aujourd’hui, de nombreux coureurs occidentaux vont se confronter à ces fameux Indiens Tarahumaras et souvent perdre à plat de couture.
Les enseignements retenus par Christopher surnommé le cavalier blanc par les Tarahumaras sont assez simples, mais battent en brèches de nombreux points qui semblent complètement acquis par les vendeurs de chaussures actuels.
- le corps a une grande capacité d’adaptation
- Les pieds ont porté les chasseurs cueilleurs sur de nombreux continents et à travers des grandes périodes de migration saisonnière sans pour autant porter des Salomons
- Ce n’est pas parce que nos ancêtres étaient adaptés à de longues marches que nous le sommes, c’est donc un processus qui demande du temps
- Toute contrainte qui n’est pas appliqué dans les pieds est appliquée ailleurs dans le corps
C’est ce dernier point qui a amené mon ostéopathe à me parler de ces chaussures. En effet, pour Augustin tout dans ma posture indiquait une rotation du bassin qui me faisait marcher en canard et sursollicitait une jambe. Dans l’absolu ce n’était pas grave, le problème c’est que mon corps n’était pas assez souple pour s’adapter à ce déséquilibre et que j’allais lui envoyer un paquet de contraintes avec un sac de 16 kg sur le dos.
Il m’a alors prévenu que si je ne travaillais pas ma souplesse ou si je ne préparais pas assez pieds, j’aurais peut être plus de tendinites au genou, mais une au pied (super !)
On n’a rien sans rien et c’est la toute la question que pose ces cheminements de pensés. Avec pédagogie il m’a expliqué que le poids du sac et de mon propre corps irait forcément toucher le sol à chaque pas. La question que devrait se poser tout marcheur ou coureur et la répartition du poids plutôt que l’amortissement de celui-ci. Les marques de running nous vendent de super coussins soi-disant magiques qui amortissent tout. Cependant, ils déplacent la contrainte, dans mon cas ce n’est plus le talon qui prend grâce au super amorti, mais le genou et donc à force, le tendon sursollicité finissait par exprimer son mécontentement. Autre aspect important : l’usure, une chaussure avec un grand compensé peut très bien marche au début, ça a été le cas de mes Salomon pendant 500 km sur le chemin de Saint-Jacques, mais peuvent changer de géométrie à force d’être sollicité. Le talon s’affaisse sur le côté, il se rogne dans un angle et finit par changer votre posture. Le gros avantage du minimalisme c’est que, quelle que soit l’usure votre posture ne peut pas être fortement modifiée. En gros, vous faites confiance à votre corps et à sa grande capacité d’adaptation plutôt qu’au renforcement technique.
L’entrainement
Après 5 mois de cet entraînement je suis passé voir mon podologue qui m’avait prescrit des semelles très fines qui ajustaient en finesse le léger décalage qui me restait : verdict, je peux partir : mon corps est plus équilibré (différent de symétrique) et plus souple, il a confiance. Je lui montre les chaussures que j’ai choisies, il me dit : plus légères, celle-ci ? Encore plus légère. Le poids de ta chaussure tu le portes tous les jours, si tu veux éviter ta tendinite cherche le plus léger.
De l’avantage de la légéreté
Le minimalisme peut faire sourire les éleveurs de vaches au fin fond du Vorarlberg autrichien dont chaque chaussure pèse 1 kg, mais le but est différent. Un petit calcul simple vous permet de vous rendre compte :
Une chaussure de 500 g ou de 250 g (en été les chaussures minimalistes peuvent être aussi légère) c’est une différence de
20 km x 1700 pas/kilomètres = 34 000 pas x 0,250 = 8500 kilos par pied en plus par jour
Souvent le seul argument des personnes qui préconise des chaussures à tiges hautes et lourdes c’est : mais vous avez pensé aux cailloux qui tapent votre malléole
Alors, oui, mais le risque d’avoir une merde à cause du poids (tendinite, échauffement du ménisque) qui vous empêche de marcher contre celui d’avoir un potentiel bleu sur la malléole est juste incomparable le bénéfice/risque penche largement en faveur du minimalisme à moins que votre objectif soit de l’alpinisme en soit (ce qui implique des crampons ou des chaussures d’approche, mais c’est une autre sujet. Autre aspect important qui est venu avec le temps, on change de manière de marcher, les pieds sont plus précis, car on sent ou on les met, et donc on est plus réceptif au terrain, on a moins de chance de faire tomber une nuée de pierrier, car on bourrine moins. Sans talons compensés pour le faire on ne peut pas « attaquer » avec le talon parce que ce n’est pas naturel, en d’autres termes on s’adapte. Mais pour cela, si vous voulez vous lancer dans cette aventure n’oubliez pas que votre plus grand allié c’est le temps, on ne change pas sa manière de marcher héritée depuis notre enfance en quelques jours, cela se compte en mois.
Les Barefoot et la neige
Tu as des chaussures minimalistes, super, mais tu fais comment quand il neige ?
Bonne question, la réponse existe dans quelques modèles qui combinent goretex et hauteur intermédiaire de chaussures pour pouvoir mettre des guêtres efficaces
L’autre partie de la réponse est la suivante : en marchant en minimaliste le pied s’active et vous n’avez clairement pas froid, sur toutes les températures que j’ai traversées = jusqu’au -17 je n’ai jamais eu froid au pied contrairement à d’autres randonnées que j’avais pu faire avant en maximaliste ou le pied tenu de partout ne s’active pas on se demande si on va conserver ses orteils par -2 °C.
Ce qui est plus problématique c’est le repos. Effectivement, au repos le pied se refroidit et la semelle isole peu. Il faut alors isoler la semelle, on a testé deux techniques avec Marie, la première consiste à mettre un film aluminium qui isole sous une semelle en feutre (technique Marie) que l’on peut glisser au repos ou pendant toute la randonnée. La deuxième à juste changer de chaussettes une fois la tente montée pour mettre de la maxi chaussettes isolantes, en laine bien évidemment.
Retour d’expérience des chaussures minimalistes de randonnées en fonction des saisons
J’ai fait le choix de chaussures fermée et légère dans lesquels je puisse mettre mes semelles. Je ne pouvais donc pas m’orienter vers des chaussures fivefingers, j’ai cherché un modèle intermédiaire le plus simple possible et le plus léger possible. La seule marque que j’ai trouvé qui répond à ces critères et la marque Xero. Voici ci-dessous les modèles que j’ai testé, tous sur à peu près 1000 km d’affilés :
- Barefoot Xero HFS (1 paire)
- Barefoot Xero Prio (1 paire)
- Barefoot Xero Mesa Trail (1 paire)
- Barefoot Xero Excursion fusion (2 paires)
Test Barefoot Xero HFS
La chaussure fermée la plus légère de chez xero. Elle tient 700 km avant d’avoir de sérieux problèmes. Le mesh s’ouvre ou se déchire assez vite, ce qui oblige à le recoudre comme on peut. Niveau semelle, le peu d’asperité s’use vite et la marche devient compliqué sur les terrains glissants, notamment la boue. Voici une photo de l’état de la chaussure après 700 km
Test Barefoot Xero Prio
La chaussure fermée légèrement plus lourde que la HFS et légèrement plus resistante au niveau du mesh. Cependant, la colle de la semelle reste une vraie merde, j’ai du la recoudre avec du fil de fer. Cette chaussure m’a permis de faire 500 km avant de vraiment rendre l’âme.
Test Barefoot Xero Mesatrail
Super une chaussure pensée pour le trail… Et bien non, c’est loupé. Les crampons ne sont pas des surépaisseurs de la semelle, mais un sorte de moulage, ce qu’il fait qu’ils se trouent au bout de 700 km. Pas de chance, la pire chaussure de xero. Elle combine les désavantage du mesh de la HFS avec une semelle qui se veux plus adhérente, mais qui une resistance plus que douteuse.
Test Barefoot Xero Xcursion Fusion
La seule chaussure qui tiennent un peu le coup chez xero. La première paire ma permis de faire 1000 km. Les premiers signe de dégradation sont arrivés aux alentours de 700 km. En effet, le mesh et la partie rigide avant de la chaussure sont mal conçu, et celle-ci se perce de par et d’autre des orteils, la ou la chaussure se plie. Photo à l’appui. Franchement la meilleure paire car l’étanchéité tient relativement bien, elle est facile à faire sécher si on a transpirer dedans et les crampons sont bien plus reistants que ceux de la mesa trail. C’est la seule paire que j’ai gardé de la randonnée. Quand les trous apparaissent, l’étancheité tient le coup un petit moment avant de laisser la neige et l’humidité rentrer par les trous. On est mieux isolé des sols gelés qu’avec les autres. Des guetres et des crampons souples sont compatible.
Bilan des tests des chaussures Barefoot Xero
De manière générale, les chaussures minimaliste sont par essence fragiles. C’est ce que je croyais après mes nombreux kilomètres de marche avant de tomber sur la marque Aylla, cousue main et en cuir leur souplesse et leur durabilité sont bien plus élevé que toutes les chaussures techniques que j’ai testés auparavant. Seul bémol, ils n’ont pas encore inventé de version avec des semelles avec des crampons. J’ai mis une croix sur la marque xero qui est pensé comme un consommable par leurs createur. A la limite la xero xcursion fusion peut passer si vous ne trouvez pas de barefoot étanche pour la neige, sinon je déconseille vivement cette marque.
A voir comment les différents concepteurs s’empareront du sujet dans les années à venir. D’ici là bonne randonnée !